Finalement, elle est arrivée cette rencontre; la conjuration des tracas administratifs, qui nous avait privés d’adversaires à deux reprises, a dû battre en retraite, elle n’a pas eu raison du désir, simple et naïf de jeu, de jouer ce premier match de la saison, en ce vendredi… 24 novembre (mieux vaut tard que jamais).

C’est une bonne grosse vingtaine de Mildioux, licenciés en bonne et due forme et assurés jusqu’aux dents, qui firent une entrée tout ce qu’il y a de plus réglementaire, sur le terrain d’honneur de notre cher stade Jesse Owens. Je vous jure, pas un tampon, pas un formulaire rose, pas un cachet faisant foi, ne manquait !

Pour le coup, on avait presque envie qu’un arbitre officiel, ou qu’un habitant de la planète Fédé, avec sa feuille de match à la bouche, vînt nous passer en revue, le sourcil soupçonneux et la lippe reprocheuse ; mais non. Rien, ni personne pour nous chercher des poux dans la calvitie.

Bref, ne boudons pas notre plaisir : toutes ces licences qui se passaient la balle sur le pré c’était beau… Cela posé, vous ne m’ôterez pas de l’idée qu’un sport qui inflige à ses joueurs (vieux ou jeune) de telles lourdeurs paperassières, de telles lenteurs, dénote tout de même une légère tendance à la vue basse et à la confusion des valeurs, où les joueurs sont au service de la superstructure fédérale, ne serait ce pas l’inverse qui conviendrait ?

Ne pas s’étonner ensuite de se faire étriller par des Néo-zélandais plus occupés à jouer qu’à servir une fédé; je sais pourquoi ils gagnent, ça n’a rien à voir avec les muscles ou les rodomontades d’un entraîneur sorti d’une distribution à la Full Metal Jacket : ils gagnent car ils sont plus intelligents que nous, voilà tout. Bon a y est…

J’ai vidé mon sac, on n’en parle plus, revenons à notre gazon. Ce soir là, la revue d’effectif Mildioux n’était pas des plus encourageantes : quelques grands joueurs, Sergio et Bijou, Alain Thorin, ayant sagement décidé de ne venir qu’aux entraînements, pour ne pas écoeurer les plus jeunes d’entre nous, d’autres, comme Phiphi ou Francky éloignés des terrains pour raisons professionnelles, Martial, retenu par ses fonctions auprès des féminines chiroquoises, Yahn, absent pour cause de match au Stade Français, Igor, Benoît, Massimo et Claudius indisponibles, Persouille le bras en écharpe, Jojo et Gilles de l’Ecole de Rugby traîtreusement agressés par une sale grippe, Philippe Guégan et Olivier Coiffard de retour fragile suite à entorse. Vous voyez un peu le tableau…

Mais c’était sans compter avec le souffle nouveau de la relève Mildiouse, qui, éducateur au RCC, qui, sociétaire aux Consuls de Lisses (Yahn et Laurent pour ne pas les prénommer). On est comme ça en Mildioux, quand un Gilles ou un Yahn manque à l’appel, d’autres Gilles d’autres Yahn arrivent à la rescousse.

Lorsque j’aurais dit que nous eûmes le plaisir de revoir Jean-Noël à la manœuvre derrière la mêlée et que Romain et Fouille vinrent nous prêter main-forte, vous aurez compris que nous étions bien loin d’être à poils face à nos compères de la Peña.

Après un échauffement consciencieux, il fut décidé de faire le match en 4 tiers-temps. Il ne fallait pas se fier au temps extrêmement doux et à la complicité de longue date nouée avec les Zinzistes : la partie fut sérieusement engagée. Les Mildioux étaient sur trois matchs perdus avaient sûrement à cœur de rompre le signe « zindien », les Zinzistes étaient venus en nombre malgré les embarras du vendredi soir (l’appel du Bourguignon préparé avec amour par Tony et mis en musique avec grâce par Marie-Hélène, sûrement). Habituellement, la Peña surclasse les Mildioux par de meilleures aptitudes balle en main, des placements sûrs et du métier ; l’ardeur au combat, certaines individualités et la fougue de l’effectif « grand débutant » des Mildioux restaient souvent insuffisantes.

Mais ce soir-là, les Mildioux prirent rapidement la partie à leur compte. J’allais dire : cliniquement. Devant, les possessions enchaînaient aux patientes progressions et un bel essai de meute, vint concrétiser avec abnégation cette domination. Essai signé Olivier Coiffard, dont je suis très fier, Olivier étant un de mes élèves lorsqu’il était… Poussin, (promotion JM Pillon, Philippe Ciniello et Mick Vigier, Eric Bigeat, Jean-Christophe Archimbaud, Sylvain André, Igor Aglat et consorts ce qui ne nous rajeunit pas je vous le concède).

Derrière, les espaces se créaient naturellement, mais le ballon glissant nous joua quelques tours à sa façon. Enfin, une défense bien ordonnée du genre gratteuse (au sens noble du terme) nous permit de nous autoalimenter en ballons.

Le joyeux bordel qui préside aux touches ne fut pas de mise ce soir-là ; hormis une fois, ou une petite mésentente entre notre fougueux lanceur Pascal et Jean-Noël me permis d’expérimenter un saut dit « pieds vers le haut », qui, je vous le confirme, n’est pas des plus pratiques pour aller relayer le second sauteur qui de toute façon, ne semblait pas au courant de l’histoire. Plus de rire que de peur finalement je vous rassure.

Tout cela pour dire qu’à aucun moment, et ce malgré un essai d’un ailier à la longue foulée trompeuse, Les Zinzistes ne furent en mesure de renverser l’issue clinique du match. Déjà que nous ne sommes pas d’humeur inquiète, nous ne fûmes pas inquiétés. Les faits marquants du match maintenant : 1. La découverte de la sympathique explosivité de Yahn (des Consuls de Lisses) qui n’a d’ailleurs pas paru particulièrement « lisse » aux yeux nos adversaires. Son compère Laurent également de Lisses fut également à la hauteur, donnant un je-ne-sais-quoi de Barbarians à cette rencontre. 2.

Le retour de Jean-Noël qui, en meneur avisé, envoya Romain dans une superbe combinaison côté fermé, couronnée d’un essai. Au passage, Jean-Noël nous assena une petite soufflante à la pause histoire de nous reprocher quelques algarades avec les Zinzistes. 3. Le comportement impeccable de la délégation de l’école de Rugby. 4. Un magnifique télescopage d’Olivier et Olivier. Je résume : Olivier Lallement projeté en arrière par un avant adverse venu de derrière les fagots vint percuter Olivier Coiffard plein nez dans un bruit sec qui glaça l’assistance…

Et c’est l’occasion pour moi de rappeler une règle d’or du secourisme : lorsqu’un copain fait Jésus, on évite les commentaires du genre « Oh flûte la vache, t’as vu ce bruit, il va falloir qu’il passe sa main dans l’oreille pour se moucher… » Primo, on ne « voit pas un bruit », on l’entend, secundo : même inconscient, un blessé entend tout ce qui se dit autour de lui, il convient donc de mesurer ses propos en utilisant des locutions diplomatiques lénifiantes, genre: « ça va aller Olivier, on te reconnaît c’est toujours toi », ou encore « Rassure-toi, Raffène peut pas venir te soigner, les pompiers sont en chemin» etc. 5.

Les Zinzistes remportèrent haut les mains le quatrième ¼ temps en nous infligeant à table leur répertoire lyrique. Rassurerez-vous : on peut tout à fait endurer un Zinziste chanteur, mais on ne s’y habitue jamais vraiment tout à fait, et d’ailleurs ça serait dommage voire inquiétant.

Tout se termina dans une ambiance des plus conviviales à une heure tardive dans l’évocation picaresque d’une victoire qui a fait du bien à tout le monde et surtout à David, à la vaillance indomptable; une heure tardive qui permit à Olivier Coiffard, de revenir des urgences de Longjumeau, avec son nez meurtri.

Olivier allait bien et n’était pas si méconnaissable puisqu’on l’a laissé entrer au Club House sans barguigner.

La phrase du jour est signée Jean-Noël qui en nous racontant une soirée homérique dans une boîte de shampouineuses eut ce mot merveilleux :

« Un mot de plus et on baisait ».